mercredi 28 février 2024

Toujours aussi vrai, hélas...

 

CONNAISSANCE

La Rongère, 11 avril 2015

 

C’est une chanson un peu triste. On voudrait bien la taire, mais comment faire ? La mélodie hante le cortex, tel un fantôme épris, au grincement de ses chaînes.

Qui arrêtera la berceuse infernale : atroce gangrène qui, sur la portée des notes, s’enchaîne ?

Le silence, froid tombeau à l’oubli des siècles, étoufferait cet air sans joie, peut-être. Seulement voilà, c’est une rengaine qui lancine, agrippée au pariétal. Une chanson un peu trop triste que personne ne fera jamais taire.

jeudi 22 février 2024

Vieux écrits

 

LAURA

(Cassagnes, Gard, 1991)

 

          Elle m’agace. Elle vient me tourner autour et me parler. Elle sait pourtant que cela m’exaspère : j’ai horreur d’être dérangé quand j’écris (j’écris des contes pour enfants qui ne sont jamais publiés.) Elle le sait mais elle vient quand même. Elle s’inquiète de savoir ce que je veux manger. Du saucisson, des nouilles ? Sont-ce des ingrédients à mettre au milieu de ma littérature ? Voilà : voilà tout le respect que lui inspire ma prose, çà fait plaisir ! J’explose et je l’envoie sur les roses.

          Elle s’effondre en larmes sur le fauteuil bleu. Dieu qu’elle est belle ma petite femme en pleurs ! Elle resplendit comme une fleur à la rosée du matin. Son petit nez fripon palpite d’émotion, ses tendres joues ont rosi et ses yeux verts brillent à l’eau triste des larmes. J’observe son épaule nue, ronde et dorée, qui sursaute sous les sanglots, je la sais douce et chaude comme d’un petit animal. C’est comme ses petits seins, ces deux mignons dont chacun tient dans une main. Ma pauvre Laura chérie, si désirable !

          Je pourrai la consoler, je l’aime après tout... Elle souffre. Moi, je souffre de la voir souffrir, mais j’aime souffrir. Je ne supporte pas d’être heureux. J’ai besoin de faire du mal aux gens que j’aime et qui m’aiment, c’est pour moi une source de plaisir. En même temps, je ressens la nécessité d’être aimé pour ce que je suis et même au-delà, d’où mon comportement souvent abject. Je ne supporte pas ces amours langoureuses et fades aux regards de bovins repus ; ces tripotages répugnants : tissus froissés et chairs malaxées ! Non, non ! Je veux un ballet de regards enflammés ou fiévreux, je veux de languides caresses en souffles sur la peau, je veux voir le plaisir naître et mourir en artiste à force d’ébauches lentes à venir.

          Je ne crois pas à la durée des sentiments, on aime souvent une personne par attrait de la nouveauté, le temps fait là-dessus son œuvre... Ou parfois, l’on décèle des qualités inconnues, mais l’habitude nous en désintéresse. D’autres fois, l’on transpose sur l’être cher, des vertus qui ne résistent pas à l’épreuve de la réalité.

          Quand je courtisais Laura, je m'inquiétais déjà de la durée de notre relation. J’imaginais malgré moi - alors que ma bouche jouait tendrement avec la sienne - des scènes de rupture, des mots violents et destructeurs. Je ne pouvais pas nous inventer un avenir heureux ou peut-être ne le voulais-je pas... Par peur sans doute, de quitter les vieilles habitudes de la douleur.

          Ah ! Laura, tu me déchires à pleurer comme une enfant sur ton fauteuil ! Je voudrais te consoler, te cajoler, te caresser, t’aimer enfin ; je n’en ferai rien cependant, tu le sais bien, j’aime trop souffrir de te voir souffrir.

          Hier, en te faisant l’amour, j’ai franchi un palier : je t’ai humilié pour m’humilier davantage encore. Je t’ai giflé, tordu les poignets, pincé les seins, mordu les doigts ; la rage et le remords m’animaient dans le même élan. Tu étais belle de surprise et de douleur contenue ! Pourtant, tu t’es prêtée au jeu de la soumission et je me suis retiré, écœuré.

          Je t’aime Laura, je sais que tu le sais, mais cela ne suffit pas, ça je le sais aussi. Tu attends que je te le dise, je sais que c’est ma dernière chance de te garder. Tu sais aussi que je me tairai, que rien ne me poussera sur les rives du bonheur que tu incarnes en cet instant, Laura. Sans douleur, sans souffrance, je n’existe pas Laura, j’ai peur d’être heureux Laura, de m’échapper, de ne plus être moi, le comprends-tu ?

          Elle a dû comprendre.

Laura s’est levée du fauteuil bleu, légère comme une fleur du soir, les joues encore roses et les yeux délavés.

Laura a cherché mon regard…

Elle ne la pas trouvé.

Alors Laura est partie.

 

 

mercredi 3 janvier 2024

2024

 

L’exercice des vœux est un art difficile.

Il est compliqué d’échapper aux souhaits de bonne santé et de bonheur ; personne ne veut passer pour un goujat !

Ce rite est très ancien (A Babylone, il donnait lieu à des orgies). Cependant, même pour être original, je ne me vois pas écrire : « Bonne année et surtout belle orgie ! »

Je regrette l’époque pas si lointaine où l’on envoyait des cartes. Elles palliaient la platitude des phrases convenues du verso.

Me voilà au pied du mur…

Donc : bonne année 2024 à toutes et à tous, que les cieux vous soient propices et la santé au rendez-vous.

 

lundi 4 décembre 2023

 Présence du Haut-Anjou, association qui rassemble des passionnés d'histoires locales, qui s'inscrivent souvent dans l'histoire au sens plus large, édite chaque année un livre intitulé "GRAINES D'HISTOIRES". Ce document de 177 pages est truffé d'anecdotes peu connues ou de faits surprenants et inédits.

Cette année encore, le nouveau numéro paru il y a peu, réserve son lot de surprises accompagnées d'une très belle documentation photographique, comme toujours.

Le livre au format 21x29.7 est disponible à la librairie M'Lire de Château-Gontier, aux espaces culturels de Leclerc (Azé), Super U (Lion d'Angers) et Intermarché (Saint-Fort), ou dans les offices de tourisme de Segré et de Château-Gontier.

 Si vous cherchez un intrus parmi les nombreux auteurs talentueux et érudits de cet ouvrage, ce sera moi. J'ai apporté ma modeste contribution en fouillant dans mes archives personnelles... 

 Voici la présentation de cet article en guise de mise en bouche :

« Un Grenier royal » ! 

      J’ai pleinement conscience de la prétention d’un tel titre et j’en assume l’entière responsabilité. Surtout au vu du bric à brac dudit lieu !

        Ce titre un peu provocateur me permet, sous forme de pirouette, de sortir partiellement de l’histoire locale afin d’évoquer un personnage de l’Histoire de France, même si mon grenier est perché à La Jaille-Yvon.

       Il s’agit de Marie-Thérèse de France, seule enfant rescapée du Roi Louis XVI, connue également sous le nom de Madame Royale.

    Le document que j’ai retrouvé dans les archives familiales était inconnu du public, même si les grandes lignes des événements relatés, eux, l’étaient, ainsi que les protagonistes

 

J’espère que les souris et les araignées me pardonneront !

             Comment diable ce fac-similé est-il arrivé dans mon grenier ?

             Je pense, par l’entremise de mon ancêtre Louis François Antoine Nicolas de Messey,

 


 rescapé de la guillotine, prévôt de Paris sous Louis XVIII et très dévoué à la famille royale – Il a par ailleurs écrit un très distrayant témoignage sur son émigration en Autriche de 1791 à la Restauration, mais ça c’est une autre histoire, comme disait Rudyard Kipling -

        J’ai donc déchiffré et retranscrit ce document. Il s’agit d’un échange de prisonniers : Madame Royale contre une demi douzaine de conventionnels français. En effet, en 1795, le Directoire qui fait suite au régime de la Terreur, décide de relâcher la Princesse dont le sort commence à émouvoir le peuple et que l’on surnomme désormais « l’orpheline du Temple ».


        Le Temple qui n’a rien d’un lieu propice au recueillement et qui a heureusement disparu… (Tant pis pour les journées du patrimoine !)

     Le Ministre de l’Intérieur Bénézech donne ordre de mission au capitaine de gendarmerie Méchain d’extraire la Princesse de sa geôle où elle a appris successivement la mort de ses parents, de son frère et de sa tante, et de conduire la future Duchesse d’Angoulême jusqu’à la frontière Suisse, en vue de l’échange.

Sortie du Temple de Madame Royale

        Le voyage s’annonce à la fois long et périlleux en raison de l’état des routes (nous sommes en hiver) et du climat encore délétère dans la société française. Le citoyen Méchain, conformément aux ordres reçus, tiendra un journal détaillé de son périple jusqu’à la remise de la captive à l’Empereur d’Autriche François II, son cousin.

Cela nous permet de vivre heure par heure le déroulé du voyage avec des rebondissements plus ou moins rocambolesques.

Bonne lecture !