Miroir

SEPT ANS DE MALHEUR
(Grand’maison, Trélazé, Maine et Loire, 1995)

    A cinq heures, il partira. Il a perdu son emploi, il n’a plus rien à faire ici... Le voilà vide et inutile, en quête d’images. Il était beau et comblé naguère. De jolis minois se penchaient sur sa face lisse. 

    Que dire à présent, en ces heures froides ? Le voilà brisé. Sans un dernier éclat, il a sombré sans gloire. 
    Le bougre tâtonne dans ses souvenirs, à la recherche des reflets passés. Mais sa mémoire l’aveugle d’inutiles souffrances. Il se souvient des yeux d’un ange... Cette nuit intime où luisait un bonheur adolescent. Et puis des boucles sauvages, emmêlées dans leur blondeur, à peine domptées par de longs doigts blancs.  Ô Joies passées dont la jouissance fut si courte ! Remembrances au goût d’inachevé ! 
    A présent, au delà du portail aux moqueries grinçantes, la rue lugubre. Le souffle glacial de décembre chasse la nuit pour l’aube. Dans un concert d’odeurs, le camion brinquebalant surgit au carrefour. Parmi les immondices et dans la froidure, l’exclu tremble avec la peur qui le gagne. Il arrache un rire jaune aux papiers gras alentours. Les poubelles entament dans le bruit, un bref ballet aérien. 

   Déjà, il est cinq heures.

   Il va partir.