Je vais prochainement passer entre les mains d'un chirurgien, sans doute est-ce la raison qui m'a fait choisir ce texte ? Diantre ! Je vais finir par croire à l'inconscient freudien !
D’UN COUTEAU
(Cassagnes, Gard, 1993)
C’est l’étrange complainte du couteau asservi aux mains du boucher ! Les grands quartiers de Bœuf débités dans le sang, dans la sueur, dans la sciure, quel affreux métier !
Tout jeune, il ne rêvait que de beurrer des tartines, lui l’enfant de Thiers ! Bien sûr il est rustaud : c’est un ouvrier, il ne connaît que l’atelier et ses odeurs. Pourtant, les grosses mains incultes du boucher lui font horreur et ses découpages sanglants l’effarent. Si seulement ce bonhomme était aruspice, mais non, il ne sait lire que Midi Libre et les pages jaunes.
Tout jeune, il ne rêvait que de beurrer des tartines, lui l’enfant de Thiers ! Bien sûr il est rustaud : c’est un ouvrier, il ne connaît que l’atelier et ses odeurs. Pourtant, les grosses mains incultes du boucher lui font horreur et ses découpages sanglants l’effarent. Si seulement ce bonhomme était aruspice, mais non, il ne sait lire que Midi Libre et les pages jaunes.
C’est effrayant les destinées ! Un grand couteau de boucher, au manche si noir, clouté d’acier, à la lame si large et tant effilée, avec une âme si sensible ! Avoir tous les attributs de la brute et s’imaginer aux mains d’innocents dans un beurrier ! Est-ce bien raisonnable ?
Allons, les rêves à peine conçus doivent disparaître : la réalité est une compagne jalouse. La table, sa nappe à fleurs, ses croissants, ses rires d’enfants, s’efface brutalement devant la planche à découper qui gargouille d’hémoglobine. Les mains délicates, blanches, légères comme des papillons, d’une jeune fille qui beurre sa tartine avec un sourire - elle est amoureuse ! - sont éclipsées méchamment par celles du boucher, roses, boudinées, avides de nécessités. Esclave de sa condition, le couteau coupe et taille, c’est dit-on, sa destination ; sûrement il aimerait mieux couper les pages d’un livre d’autrefois, parlant d’Hercule ou de Jason que tailler la bavette dans tous les sens, avec les mots du quotidien.
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