mercredi 10 août 2011

In vino veritas ?


LE VERRE DE BIERE
(Cassagnes, Gard, 1993)

    Le verre de bière coiffé de son chapeau de mousse, sent tout à coup la vanité le gagner. Il offre aux regards sa robe rousse aux reflets d’ocre, la blancheur de sa mousse qui chatouille la lèvre en chantant. Ah, le zinc serait bien terne sans les joyeuses étincelles du bock ! Sous les yeux globuleux des spots, le verre rayonne du plaisir vain des idiots. De ses facettes flamboyantes, jaillit la lumière factice d’un Eternel électrique dont il se croit l’envoyé propice. L’alcool a rempli son corps d’un misérable orgueil, une buée oblitère maintenant ses yeux rouges.
     Le voilà soudain arraché au sous-bock - ce carton médiocre ! - et d’un envol délicieux où son esprit chavire, s’en va rejoindre d’autres cieux. Il s’imagine déjà aux lèvres du Créateur, buvant la Bonne Parole. Cruelle désillusion : il se retrouve abouché à l’orifice infect d’un ivrogne ! Une inclinaison brutale accompagnée d’horribles borborygmes fait s’évanouir le contenu du verre dans le gosier du quidam.
    Rappelé à la réalité véhémente du débit de boissons, le boc retombe sur le zinc avec rudesse, choqué. Près de lui, le cendrier l’inonde de sarcasmes fumeux. 
    Il ne sait que répondre, la vie soudain n’a plus de sens, on l’a vidé de sa substance...

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