vendredi 13 juillet 2012


J’AURAIS PU RIRE
 (Cassagnes, Gard, 1993)

Comme elle était laide et tordue la fille alitée ! Et lui, tout gauche et si moche à son côté ! J’aurais bien ri, si je n’avais eu pitié. Oui, sans doute aurais-je ri. Ils avaient leurs petites joues toutes roses d’émotion et les yeux humides d’une mutuelle affection. Comme ils étaient grotesques à minauder ces deux minois simiesques ! J’aurais bien ri, si je n’avais eu pitié. Oui, je crois que j’aurais ri. Leurs petits corps frissonnaient sous les draps blancs et leur regard disait des choses friponnes. J’aurais bien ri, si je n’avais eu pitié.
Oui, il est possible que j’aurais pu rire. Il lui disait des mots tendres et l’appelait “ma caille”, elle lui répondait avec douceur et le nommait “mon gros lapin”. J’aurais bien ri, si je n’avais eu pitié. Oui, je crois que j’aurais pu rire. Leurs gestes ont eu des précisions inavouables, je suis parti sans rire, je n’en avais pas envie. J’ai laissé ces deux laiderons sous l’édredon. 
J’aurais bien ri, oui, sans doute aurais-je ri, si tu avais été là quand je suis rentré...

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