RÊVE FAMILIER
(Cassagnes, Gard, 1991)
A l’ombre d’une croix repose mon rêve familier, dans l’herbe verte, telle une flaque à mille reflets. Souvent, je pense qu’un murmure suffirait à le ranimer, mais le silence rôde alentour, profond comme une menace.
Le ciel délavé embrasse ce monde, incrédule ; et mes lèvres sont loin d’un si tendre baiser !
Les jeunes courbes reposent à l’abandon de cette chaude saison, allongées voluptueusement à l’abri des regards. Cependant, le mien est venu se poser là par hasard. Le promeneur fatigué est entré dans ce petit jardin de pierres empli de calme, où la vie sereine avait pris le pas sur la mort et son cortège symbolique. Et les yeux du promeneur se sont attardés à l’ombre de cette croix en un anxieux regard, pour finalement ciller et se perdre dans l’herbe. Je suis l’intrus, pourtant cette vision m’est familière ; et pas un bruit pour éveiller les soupçons ni les morts.
Nudité adolescente, perfection dans l’instant mourant, qui repose avec langueur sous le soleil d’été et la protection divine. Un léger vent me rapporte les frissons de la peau juvénile, et je déguste, envoûté, les senteurs dorées que ce jeune corps distille. Douceurs des courbes caressées à l’envi par mes regards, que la vie anime d’un souffle et d’un songe heureux !
Vision charmante d’un matin d’été que l’on abandonne troublé, à l’ombre d’une croix vermoulue, avec un regret au revers du cœur...
A l’ombre d’une croix repose mon rêve familier, à l’angle de ma mémoire ; souvent, je pense qu’un murmure suffirait à le ranimer.
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