CIEUX
(Trélazé aux alentours de 1995)
Avant, pour lui, le ciel était bleu. Comment imaginer
d’autres couleurs et pourquoi ?
La conscience vient
avec la pluie et les premiers orages... Le bonheur sous les larmes se délave
pour perdre la crudité naïves de ses teintes.
Ainsi le noir existe ? Questionne l’innocent. L’étonnement
cède la place à l’effarement quand s’offrent à l’oeil les nuances du désespoir.
La gamme, du gris subtil au noir insoutenable, fait étalage de son étendue.
L’homme est au pied du mur. Alors, abasourdi, le malheureux
plie sous le fardeau de ses peines et finit par s’asseoir. Il pleure. Le
caniveau proche lui fait écho de ses eaux répugnantes. Le mur hostile, suinte
de vertes salissures. Des chêneaux mangés de rouille, dégouline un liquide
infect.
A présent il voit
les cieux. Ce n’est plus l’uniforme bleu - affligeant raccourci ! - c’est
l’azur immense ponctué de blanches nébuleuses ; l’outremer si vaste, drapé de
violettes évanescences ; l’insondable éther du soir, blessé dans la course du
soleil.
Le regard rougi s’incline sur l’asphalte, vision moins
grandiose ! Le jour vacille, l’homme aussi. Il lâche sa bouteille. Sur
l’éclaboussure, les projecteurs halogènes lancent des éclats de couleurs. Une
larme de vin coule vers la bouche de l’égout. Celui qui a désormais sombré boit
au goulot, en invoquant d’autres visions. Il vocifère. L’ondée noie les mots
incohérents du poivrot.
Au sein des ruissellements de toutes natures qui cascadent
dans sa vie, avec la lente certitude d’un vieux rafiot, il coule...
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