mercredi 17 septembre 2025

Bluette...

 

SONGE AU DESSUS DE L’EVIER

 Le Domaine, septembre 2025 

Longtemps, ce rêve l’avait tourmenté. Habituellement, les rêves vous bercent, mais le sien le tourmentait, lancinant et entêtant. Ce songe était orné de couleurs éclatantes qui vibraient au son d’une symphonie un peu grandiloquente, mais non dénuée de majesté.

Il aurait tant voulu partager ce rêve et le vivre pleinement ! Mais, c’était compliqué. La plupart du temps, ce qu’il voyait, les autres ne le voyaient pas. Ce qu’il entendait, les autres ne l’entendaient pas. Ce qu’il ressentait, les autres ne le ressentaient pas. Ah ! Les autres !… Aussi avait-il appris à se taire et à rêver en silence, un sourire crispé au bord des lèvres.

Parfois, au gré d’une phrase, il croyait entrevoir un lambeau de son rêve s’incarner, mais, fugace, tel un rond de fumée, il se dissipait.

Un bonheur partagé, au fond quoi de plus banal ? « Pouah ! La banalité ! » Souffla t-il avec mépris en observant ses mains au dessus de l’évier. Eh puis, le bonheur : mot galvaudé à l’envi par toute une cohorte de crétins en manque d’imagination !

            Sans doute le rêve était-il trop intime, trop personnel, trop intense. Son partage impossible ?

            Il entreprit de se laver les mains dans l’évier.

            Pourtant, l’espace d’un instant, il y avait cru, il pensait avoir atteint l’incroyable Graal. Le rêve abouti. La quintessence. La fin du tourment.

            Mais non, il fallait se rendre à l’évidence.      

            Il n’avait plus qu’à empoigner le savon, frotter ses mains rouges, les rincer et les essuyer.

            Il contempla ses mains propres et blanches : c’étaient de jolies mains, de grandes mains, des mains propres, des belles mains d’assassin.

            Alors, le rêve prit fin et le cauchemar débuta.

 

 

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