Il paraît que j’intimide, plus exactement que ma prose intimide. Sans doute y a-t-il trop de pompe ou d’afféteries ? Voilà deux petits textes qui contrediront mes lecteurs les plus timorés. Aurai-je droit à des commentaires du genre :
« trop bien » ou « j’kiff grave » ?
Euh… Finalement, abstenez-vous !
« trop bien » ou « j’kiff grave » ?
Euh… Finalement, abstenez-vous !
LE METIER QUI RENTRE
(Cassagnes, Gard 1993)
J’aime bien le bricolage. Je regarde souvent papa manier les outils et les gros mots : c’est beau et sonore !
L’étau me plaît beaucoup avec ses solides mâchoires. Il y a aussi la clef à molette que je m’amuse à ouvrir et à fermer, et les clefs à pipe au nom si charmant !
Je demande à papa s’il veut bien me prêter un marteau avec quelques clous : je vais bricoler quelque chose. Il me tend un marteau à l’air farouche et une poignée de clous.
Je pars satisfait avec l’idée de faire un gros bateau et reviens cinq minutes plus tard, de fort mauvaise humeur, avec un pinçon sur le doigt ! Je montre à mon père les résultats du forfait perpétré par le marteau. Il sourit et me déclare : « Çà, c’est le métier qui rentre ! »
L’étau me plaît beaucoup avec ses solides mâchoires. Il y a aussi la clef à molette que je m’amuse à ouvrir et à fermer, et les clefs à pipe au nom si charmant !
Je demande à papa s’il veut bien me prêter un marteau avec quelques clous : je vais bricoler quelque chose. Il me tend un marteau à l’air farouche et une poignée de clous.
Je pars satisfait avec l’idée de faire un gros bateau et reviens cinq minutes plus tard, de fort mauvaise humeur, avec un pinçon sur le doigt ! Je montre à mon père les résultats du forfait perpétré par le marteau. Il sourit et me déclare : « Çà, c’est le métier qui rentre ! »
Je me perds en conjectures en regardant mon doigt noirci et me demande où est passé le métier ; puis je rends le marteau à papa, trouvant cette vocation par trop douloureuse.
(Cassagnes, Gard 1993)
Il relève la tête et me regarde de ses yeux noirs remplis d’amitié. Pas un mot n’est échangé, ce n’est pas nécessaire : nous sommes d’accord sur l’essentiel. Quel bonheur de l’avoir rencontré, ce petit bonhomme de huit ans, dans cette affreuse colonie de vacances !
Je l’appelle Fred, mais je ne l’appelle pas souvent puisqu’on est tout le temps ensemble. D’ailleurs, nous parlons peu. Nous jouons calmement dans le sous-bois, à l’écart des autres, avec des écorces de pins, des branchages, des cailloux et notre imagination.
Fred, il m’admire. Pourtant, je ne grimpe pas aux arbres (j’ai le vertige), et je ne sculpte pas de cœurs transpercés de flèches sur leurs troncs (je n’ai pas d’Opinel). Il ne se fie pas aux apparences, voilà tout. Moi, sans Fred, j’ai l’impression de ne plus exister. Nous sommes le prolongement l’un de l’autre. Nous vivons notre amitié simplement, sans jalousie et sans orage.
Nous sommes en parfaite osmose et toucher à l’un, c’est toucher à l’autre !
En fait, je crois que nos âmes se sont rencontrées, qu’elles se parlent et se comprennent.
Fred me regarde d’un air soucieux et me dit gravement : «Tu sais... Je suis une fille...».
Il s’ensuit une longue discussion entre nous, car j’ai peine à le croire. Fred baisse son pantalon et l’évidence me saute aux yeux : Oui, Fred est bien une fille ! Quel choc !
Le passé resurgit avec un goût bizarre ; quelque chose est brisé. Cette révélation saugrenue embrume notre amitié qui ne s’encombrait pas de considérations aussi matérielles.
Heureusement, les vacances se terminent bientôt... Maman sera tendre et papa me fera rigoler.
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