mardi 26 avril 2011

Larry Goodman (suite 2)

«  ...Et pas les animaux non plus ! S'emporta Larry Goodman. Non mais de quoi je me mêle Harvey ? Vous menez les entretiens d'enquête maintenant ? Vous voulez ma place ?
Harvey s'éclipsa sans mot dire.
- Reprenons, mademoiselle Span, toutes mes excuses, je ne voulais pas vous offenser ! Je vous écoute à présent que ce crétin n'est plus là pour évoquer mes mœurs éventuelles !
Betty réprima un sourire.
- Et bien voilà : cela fait une semaine que je ne peux plus rentrer chez moi !
- C'est tout ? Laissa échapper Larry, estomaqué.
- Oui je sais : çà l'air très bête. J'ai la clef, personne ne m'interdit l'accès, et pourtant ... pourtant... je ne parviens pas à rentrer chez moi Continua Betty.
- Quelqu'un aura changé la serrure, le propriétaire sans doute ?
- Non, non, vous n'y êtes pas ! Une force invisible...quelque chose de très fort, m'empêche d'entrer. A chaque fois, je me raisonne, je me dis que je vais entrer... mais chaque fois ma volonté m'abandonne !
- Vous voulez dire, en quelque sorte, que c'est psychologique ? Interrogea Larry, qui pensait à part lui : « j'ai affaire à une folle ! »
    - Tout à fait ! Répondît betty, sans arrière pensée. Du reste, lorsque nous nous sommes rencontrés sur le palier ce matin, je venais de faire une ultime tentative... sans succès ... hélas !
- Oui je vois ... dit Larry peu convaincu.
Mais il n'osa préciser le fond de sa pensée, étant donné le caractère spontané de Betty Span. Aussi, ajouta-t-il :
- Qu'attendez-vous de moi, précisément ? Alors qu'il aurait aimé dire : j'ai un excellent psychiatre de mes amis...
- Que vous m'aidiez à rentrer chez moi ... enfin, je veux dire : que vous constatiez par vous même que je ne suis pas folle, car si j’en crois votre air...
- Ah, mais non, pas du tout ... ne croyez pas ! S'offusqua Larry, rougissant et vexé d'avoir été percé à jour.
- Ce n'est rien, je comprends tout à fait... moi même j'en suis venue à me demander si je tournais encore rond ... alors, si vous pouviez venir à mon appartement et m'ouvrir la porte ... même si cela peut vous sembler absurde Je paierai... d'avance même, si vous le souhaitez.
- Je ne suis pas serrurier, notez bien mademoiselle Span, mais je vais l'ouvrir votre porte ... et vous me réglerez quand vous serez dans vos meubles, dit Larry en se levant magnanime, allongeant le bras pour se saisir de son chapeau difforme. Harvey ! Aboya-t-il. »
Harvey surgit aussitôt dans la pièce tel un diable hors de sa boîte, faisant tressaillir Betty Span.
« Oui, Patron ?
- Gardez la boutique. Mlle Span et moi même allons faire un tour, je serai là dans une demi-heure à tout casser, lança-t-il à son employé.
- Ah bon ?... bien Patron... répondit Harvey, hébété.
- Fermez cette bouche, vous avez l'air d'une gargouille, et arrêtez de fantasmer : ce n'est pas ce que vous croyez ! Souvenez-vous : ni les femmes, ni les hommes, encore moins les animaux ! S'emporta Larry. Bon, on y va ? Lança-t-il à Betty qui réprimait difficilement une furieuse envie de rire. »
 Ils sortirent du bureau, Betty emboîtant tant bien que mal les pas excédés de Larry Goodman.
« C'est bien ici, n'est-ce-pas ? Interrogea Larry, alors qu'il se tenait devant la porte de Betty Span.
- Oui, répondit Betty en farfouillant dans son sac à main, à la recherche de ses clefs. »
Larry attendit, sans faire montre de son impatience qui bouillonnait en son tréfonds, l'exhumation des clefs qui le libérerait de cette corvée stupide. Ah ! Le sac à main : éternel mystère féminin sans cesse renouvelé ! Véritable malle des Indes ! Caverne d'Ali Baba ! Armoire normande miniaturisée ! Qui à l'inverse du tonneau des Danaïdes, est plein jusqu'à la gueule avec une constance désespérante, mais à l'instar de celui-ci n'a pas de fond ! Pauvre Larry, soumis à la torture conjuguée de ce désordre féminin et d'un cor mal placé sur le petit orteil du pied gauche, qui le faisait d'autant plus souffrir, qu'au nom d'un orgueil encore plus mal placé, il se tenait droit comme un « I » pour n'en rien laisser paraître à cette représentante du prétendu beau sexe. Les petits doigts nacrés de Betty, après un travail fastidieux dans les profondeurs obscures de son sac, agrémenté de cliquetis divers et de froissements variés, extirpèrent finalement des entrailles encore frémissantes un trousseau de clefs, mettant fin au supplice de Larry Goodman.
« Ah çà y est : les voilà, triompha-t-elle en esquissant un petit bond gracieux que lui inspirait la joie de l'instant. »
Cela eut pour effet de faire frémir son joli corsage ainsi que Larry Goodman qui recula d'un pas tout en jetant un regard courroucé sur la demoiselle qui lui tendait les clefs dans un sourire.
« Elle est contente : elle a fait frétiller ses bosses ! Pensa Larry, furibard.
- Merci ! Dit-il sèchement en s'emparant des clefs. »
Alors qu'il s'apprêtait à enfiler une des clefs dans l'organe offert de la porte, il ressentit une gêne insidieuse - non que la pénétrante connotation de cet acte en présence d'une jeune femme, lui ait effleuré l'esprit - Dieu seul sait (dans la mesure où son omniscience s'attarde dans mon histoire) ce qui arriva, mais Larry eut un blocage psychologique au moment d'ouvrir la porte de Betty Span. Ce n'était pas la peur, ni la perception d'une menace éventuelle. Non, c'était plus complexe, plus confus. Larry ne comprenait pas ce qui lui arrivait : il était là, devant la porte, les clefs dans sa main tendue et demeurait pétrifié par un mystérieux embarras.
Devant le mutisme et l’étrange paralysie du détective, Betty s'aventura à prononcer :
« Vous voyez : ce n'est pas si simple ? »
        Là dessus, Larry vexé, n'écoutant que son orgueil - la plus grande égérie que l'homme connaisse - qui ne demandait pas mieux que de s'exprimer, tourna les talons avec une souplesse inattendue pour faire face à Betty Span et lui souffla au visage :
« Justement non, Mademoiselle, je ne vois rien du tout, figurez-vous ! Par contre ... par contre ... j'ai un rendez-vous urgent… je regrette, je dois partir !
Il commençait à s'éclipser, rougissant de honte et de dépit, sous le regard ébahi de Betty, quand celle-ci se reprit et cria :
- Eh, quand revenez-vous ? Puis ajouta perfidement devant le geste évasif de Larry, vous avez une réputation à défendre, non ?
Larry outré, fit volte face et grogna :
- Demain ... à dix-huit heures ! »

(à suivre)

1 commentaire:

  1. Ok! Rendez-vous demain, 18h, pour la suite des aventures de Larry... Merci à vous de la part de tous vos lecteurs qui n'osent se manifester!

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