Chers lecteurs, vous ne méritez sans doute pas la suite de cette fantaisie écrite en grande partie dans les bureaux de l'ALPATMAR* puisque vous êtes avares de commentaires, mais j'ai des demandes orales répétées, voire lancinantes ; aussi pour avoir la paix, voilà un autre bout de "Larry Goodman".
Peut-être que mon escapade à Nantes vendredi dernier, où j'ai visité le "Maillé-Braizé", bâtiment où j'ai passé huit jours en mer en 1982 (Marine oblige) y est pour quelque chose ?
*Patrouille Maritime dirigée par l'Amiral Ghesquière à l'époque
« J'espère au moins qu'il s'agit d'une vieille fille frigide, reprit Larry.
- Vingt-cinq ans, blonde, un mètre soixante dix, yeux verts, joli châssis ... répondit Harvey.
- Bon ça va, pas de lubricité ! Y'avait vraiment pas autre chose comme gibier ? Faut-il que je supporte la frénésie sexuelle de cette femelle ?
- Monsieur le détective ! Lança Harvey, choqué.
- Ça va, ferme çà ! De toutes façons, gagner sa vie n'est pas forcément une partie de plaisir, surtout en tant que privé... Je ferai face, je ferai face ! » (Se disant, il fermait et desserrait frénétiquement les poings.)
Betty Span descendit la quinzaine de marches qui la séparaient du perron. Le Chanel n°5 dont elle s'était littéralement aspergée se mêla curieusement aux odeurs de Javel répandues par la concierge à l'occasion de sa séance de décrassage hebdomadaire, du moins celle de l'entrée de l'immeuble. Une fois sortie, Betty héla un taxi et lui indiqua une adresse.
Betty Span avait le corps harmonieux mais l'intelligence médiocre, de sorte que si un malencontreux point noir lui donnait des envies de suicide, les sujets d'ordre métaphysique n'avaient pas l'assurance d'obtenir un tel succès. Au moins avait-elle le mérite de ne pas surestimer ses facultés intellectuelles, de plus elle avait bon cœur. Ce n'était donc pas l'imbécile triomphante. Célibataire, elle rêvait comme tout un chacun, d'un amour partagé où les courbes de son corps ne joueraient pas forcément les premiers rôles. Bien sûr, en attendant, elle meublait bien de temps à autre le vide de son lit, mais elle ne péchait pas pour autant par excès de luxure. De toutes les façons, elle choisissait ses amants scrupuleusement : ils étaient toujours bien faits.
Betty était déconcertée : un fait étrange se répétait dans sa vie depuis une semaine. Cela pourrait sembler banal au premier chef, mais le phénomène auquel était confrontée la jeune femme, commençait à l'effrayer : elle ne pouvait plus rentrer chez elle. Ce n'était pas à cause d'un problème technique, ni dû à une tierce personne, mais une force impalpable lui interdisait l'accès de son modeste studio. Elle logeait par conséquent, depuis ce fâcheux événement, chez une collègue esthéticienne qui débattait avec elle tous les soirs, des avantages ou des inconvénients de tels ou tels cosmétiques : cela devenait quelque peu lassant.
Aussi avait-elle décidé de rencontrer un professionnel rompu aux besognes les plus sordides, qui la sortirait sûrement de cette situation contrariante. Une vieille cliente, entre deux onctions rajeunissantes, lui avait remis la carte d'un détective privé très « spécial », qui résoudrait sans aucun doute son délicat problème. N'avait-il pas retrouvé le bras... ou la tête du défunt mari de la vioque, dévoré par des lions affamés, lors d'un safari au Kenya... ou au Congo... enfin, dans un pays où l'on a faim ? Betty frissonna : la vue du sang, même de façon fugitive dans son esprit lui était insupportable.
Le taxi s'arrêta dans la 51ème rue, au bas d'un immeuble de béton et de vitres. La jeune femme régla la course et pénétra dans le bâtiment puis gravit trois étages. Elle s'arrêta devant la porte du détective Goodman afin de reprendre son souffle et de se refaire une beauté ; puis elle frappa trois coups légers. Elle crut défaillir en découvrant Harvey Dolley qui l'accueillait avec un large sourire qu'il voulait charmeur et qui le rendait effrayant à contempler
« Hello, Mam'zelle ! Dit-il d'une voix qu'il croyait suave, vous devez être Betty Span, le rendez-vous de onze heures ?
- Oui... oui, c'est cela même ! Rétorqua Betty vaguement rassurée.
- Veuillez vous asseoir dans la salle d'attente, je vous prie, par ici. Le patron vous recevra instamment.
- Merci ! Répondit-elle. »
Elle n'eut pas le temps d'ouvrir la revue "Binioupolitan" que déjà, Harvey était de retour, la priant de parcourir les quelques mètres la séparant du bureau de Goodman, dans son style ampoulé orné d'un sourire de batracien.
Larry Goodman qui mâchonnait avec hargne le bout d'un stylo, faillit l'avaler tant sa stupeur fut grande, lorsque Betty Span fit son entrée dans le bureau. Elle le salua poliment. Il ne put répondre que par une toux humiliante, contractée suite à l'incursion inopinée du stylo dans sa gorge.
« Bon Dieu la voisine, pensa-t-il, manquait plus que çà !
- Rahem ! Rahem Prononça-t-il enfin, veuillez vous asseoir, Madame Span.
- Mademoiselle ! Corrigea-t-elle, soudain crispée car elle venait de reconnaître son voisin de palier qu'elle ne trouvait pas très sympathique. »
Harvey proposa du thé pour détendre l'atmosphère. Betty accueillit l'offre favorablement, Larry préféra du café. Harvey quitta la pièce pour préparer les boissons.
« Et bien mademoiselle Span, exposez-moi les faits ! Attaqua Goodman.
- Euh, ma foi ... c'est un peu délicat ...
- Une histoire de chantage ? Demanda Larry impatient.
- Oh, non, non, pas du tout ! Euh... comment, dire… c'est très bête, vous savez ?
- Vous avez perdu un objet... un objet de valeur sans doute ?
- Non, non !
- Un parent, alors ? Vous êtes à la recherche de vos parents perdus de vue depuis l'enfance ? C'est un classique çà !
- Non, vous n'y êtes pas du tout ! Je ne sais comment vous expliquer ... A vrai dire j'ai un peu honte !
- Ah, çà y est, j'y suis, s'exclama Larry triomphant, j'ai deviné : Vous avez un amant et vous le soupçonnez d'être marié quoiqu'il s'en défende ! »
Harvey Dolley surgit dans le bureau avec son plateau, au moment précis où Betty Span traitait son patron de « satyre lubrique. »
« Non, non, mademoiselle ! Intervint-il, pas satyre lubrique, pas lui ! Le patron du reste n'aime pas les femmes ! » Et il distribua les tasses
Goodman devint cramoisi et Betty les regarda l'un après l'autre avec un œil interrogateur mêlé de dégoût. Si bien que Harvey cru bon d'ajouter :
« Les hommes non plus d'ailleurs ! »
Betty Span fit un « Ah ? » dont il était difficile de savoir s'il exprimait le soulagement, la déception, ou l'étonnement.
(A suivre)
- Vingt-cinq ans, blonde, un mètre soixante dix, yeux verts, joli châssis ... répondit Harvey.
- Bon ça va, pas de lubricité ! Y'avait vraiment pas autre chose comme gibier ? Faut-il que je supporte la frénésie sexuelle de cette femelle ?
- Monsieur le détective ! Lança Harvey, choqué.
- Ça va, ferme çà ! De toutes façons, gagner sa vie n'est pas forcément une partie de plaisir, surtout en tant que privé... Je ferai face, je ferai face ! » (Se disant, il fermait et desserrait frénétiquement les poings.)
Betty Span descendit la quinzaine de marches qui la séparaient du perron. Le Chanel n°5 dont elle s'était littéralement aspergée se mêla curieusement aux odeurs de Javel répandues par la concierge à l'occasion de sa séance de décrassage hebdomadaire, du moins celle de l'entrée de l'immeuble. Une fois sortie, Betty héla un taxi et lui indiqua une adresse.
Betty Span avait le corps harmonieux mais l'intelligence médiocre, de sorte que si un malencontreux point noir lui donnait des envies de suicide, les sujets d'ordre métaphysique n'avaient pas l'assurance d'obtenir un tel succès. Au moins avait-elle le mérite de ne pas surestimer ses facultés intellectuelles, de plus elle avait bon cœur. Ce n'était donc pas l'imbécile triomphante. Célibataire, elle rêvait comme tout un chacun, d'un amour partagé où les courbes de son corps ne joueraient pas forcément les premiers rôles. Bien sûr, en attendant, elle meublait bien de temps à autre le vide de son lit, mais elle ne péchait pas pour autant par excès de luxure. De toutes les façons, elle choisissait ses amants scrupuleusement : ils étaient toujours bien faits.
Betty était déconcertée : un fait étrange se répétait dans sa vie depuis une semaine. Cela pourrait sembler banal au premier chef, mais le phénomène auquel était confrontée la jeune femme, commençait à l'effrayer : elle ne pouvait plus rentrer chez elle. Ce n'était pas à cause d'un problème technique, ni dû à une tierce personne, mais une force impalpable lui interdisait l'accès de son modeste studio. Elle logeait par conséquent, depuis ce fâcheux événement, chez une collègue esthéticienne qui débattait avec elle tous les soirs, des avantages ou des inconvénients de tels ou tels cosmétiques : cela devenait quelque peu lassant.
Aussi avait-elle décidé de rencontrer un professionnel rompu aux besognes les plus sordides, qui la sortirait sûrement de cette situation contrariante. Une vieille cliente, entre deux onctions rajeunissantes, lui avait remis la carte d'un détective privé très « spécial », qui résoudrait sans aucun doute son délicat problème. N'avait-il pas retrouvé le bras... ou la tête du défunt mari de la vioque, dévoré par des lions affamés, lors d'un safari au Kenya... ou au Congo... enfin, dans un pays où l'on a faim ? Betty frissonna : la vue du sang, même de façon fugitive dans son esprit lui était insupportable.
Le taxi s'arrêta dans la 51ème rue, au bas d'un immeuble de béton et de vitres. La jeune femme régla la course et pénétra dans le bâtiment puis gravit trois étages. Elle s'arrêta devant la porte du détective Goodman afin de reprendre son souffle et de se refaire une beauté ; puis elle frappa trois coups légers. Elle crut défaillir en découvrant Harvey Dolley qui l'accueillait avec un large sourire qu'il voulait charmeur et qui le rendait effrayant à contempler
« Hello, Mam'zelle ! Dit-il d'une voix qu'il croyait suave, vous devez être Betty Span, le rendez-vous de onze heures ?
- Oui... oui, c'est cela même ! Rétorqua Betty vaguement rassurée.
- Veuillez vous asseoir dans la salle d'attente, je vous prie, par ici. Le patron vous recevra instamment.
- Merci ! Répondit-elle. »
Elle n'eut pas le temps d'ouvrir la revue "Binioupolitan" que déjà, Harvey était de retour, la priant de parcourir les quelques mètres la séparant du bureau de Goodman, dans son style ampoulé orné d'un sourire de batracien.
Larry Goodman qui mâchonnait avec hargne le bout d'un stylo, faillit l'avaler tant sa stupeur fut grande, lorsque Betty Span fit son entrée dans le bureau. Elle le salua poliment. Il ne put répondre que par une toux humiliante, contractée suite à l'incursion inopinée du stylo dans sa gorge.
« Bon Dieu la voisine, pensa-t-il, manquait plus que çà !
- Rahem ! Rahem Prononça-t-il enfin, veuillez vous asseoir, Madame Span.
- Mademoiselle ! Corrigea-t-elle, soudain crispée car elle venait de reconnaître son voisin de palier qu'elle ne trouvait pas très sympathique. »
Harvey proposa du thé pour détendre l'atmosphère. Betty accueillit l'offre favorablement, Larry préféra du café. Harvey quitta la pièce pour préparer les boissons.
« Et bien mademoiselle Span, exposez-moi les faits ! Attaqua Goodman.
- Euh, ma foi ... c'est un peu délicat ...
- Une histoire de chantage ? Demanda Larry impatient.
- Oh, non, non, pas du tout ! Euh... comment, dire… c'est très bête, vous savez ?
- Vous avez perdu un objet... un objet de valeur sans doute ?
- Non, non !
- Un parent, alors ? Vous êtes à la recherche de vos parents perdus de vue depuis l'enfance ? C'est un classique çà !
- Non, vous n'y êtes pas du tout ! Je ne sais comment vous expliquer ... A vrai dire j'ai un peu honte !
- Ah, çà y est, j'y suis, s'exclama Larry triomphant, j'ai deviné : Vous avez un amant et vous le soupçonnez d'être marié quoiqu'il s'en défende ! »
Harvey Dolley surgit dans le bureau avec son plateau, au moment précis où Betty Span traitait son patron de « satyre lubrique. »
« Non, non, mademoiselle ! Intervint-il, pas satyre lubrique, pas lui ! Le patron du reste n'aime pas les femmes ! » Et il distribua les tasses
Goodman devint cramoisi et Betty les regarda l'un après l'autre avec un œil interrogateur mêlé de dégoût. Si bien que Harvey cru bon d'ajouter :
« Les hommes non plus d'ailleurs ! »
Betty Span fit un « Ah ? » dont il était difficile de savoir s'il exprimait le soulagement, la déception, ou l'étonnement.
Ne vous faites donc pas prier! Même si vous estimez que nous ne méritons pas la suite dû à un manque de commentaire certain, aucun de nous, lecteurs, n'a demandé un arrêt de cette fantaisie. Vu sous cet angle, je dirai donc que vos lecteurs sont évidemment intéressés par la suite des aventures de Larry, non?
RépondreSupprimerVu sous cet angle...
RépondreSupprimertiens tiens... je tombe par hasard sur ces lignes faisant référence à un certain bureau d'Alpatmar. Ne serait-ce pas à l'époque ou certains esprits se déchainaient sur les claviers des machines à écrire de ce bureau ?
RépondreSupprimerMimi Grasdubide
Si fait, c'est bien ça Patron !
RépondreSupprimerBien de l'eau de mer a coulé sur le pont depuis lors, hélas !