jeudi 21 avril 2011

Ombre et lumière

CIEUX
(Trélazé aux alentours de 1995)

    Avant, pour lui, le ciel était bleu. Comment imaginer d’autres couleurs et pourquoi ?
     La conscience vient avec la pluie et les premiers orages...Le bonheur sous les larmes se délave pour perdre la crudité naïves de ses teintes. 
    Ainsi le noir existe ? Questionne l’innocent. L’étonnement cède la place à l’effarement quand s’offrent à l’œil  les nuances du désespoir. La gamme, du gris subtil au noir insoutenable, fait étalage de son étendue. 
    L’homme est au pied du mur. Alors, abasourdi, le malheureux plie sous le fardeau de ses peines et finit par s’asseoir. Il pleure. Le caniveau proche lui fait écho de ses eaux répugnantes. Le mur hostile, suinte de vertes salissures. Des chéneaux mangés de rouille, dégouline un liquide infect.
     A présent il voit les cieux. Ce n’est plus l’uniforme bleu - affligeant raccourci ! - c’est l’azur immense ponctué de blanches nébuleuses ; l’outremer si vaste, drapé de violettes émanessences ; l’insondable éther du soir, blessé dans la course du soleil. 
    Le regard rougi s’incline sur l’asphalte, vision moins grandiose ! Le jour vacille, l’homme aussi. Il lâche sa bouteille. Sur l’éclaboussure, les projecteurs halogènes lancent des éclats de couleurs. Une larme de vin coule vers la bouche de l’égout. Celui qui a désormais sombré boit au goulot, en invoquant d’autres visions. Il vocifère. L’ondée noie les mots incohérents du poivrot. 
Au sein des ruissellements de toutes natures qui cascadent dans sa vie, avec la lente certitude d’un vieux rafiot, il coule...

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