lundi 29 août 2011

Le Contrat flamand

On me demande souvent des extraits plus longs de ma pièce "Le Contrat flamand", visible sur le Proscenium ou la théâtrothèque, bon alors voilà :



ACTE 1 - scène 4
Monsieur Martin, Marie-Françoise

M. MARTIN (resté seul) - Dire qu’on s’est battu pour avoir un ascenseur ! (Un temps.) Bon alors, elle me pose un lapin madame Huisknecht ou quoi ? Trois quarts d’heure de retard !  (Il va vers la fenêtre.) Ça alors ! Il neige ! Paris sous la neige, c’est très joli, mais question circulation, ça va être la galère ! Le conducteur parisien d’ordinaire si arrogant et pressé, va se transformer en escargot débile ! Je ne suis pas prêt de récupérer madame Huisknecht ! (Le téléphone sonne, monsieur Martin va décrocher et en profite pour s’asseoir. Pendant la conversation, Marie-Françoise entre - porte centrale - sur la pointe des pieds. Elle porte des peluches dans un sac. Elle en dépose sur le sofa, en les faisant « asseoir » puis reste prostrée près du sofa) Allô ? Bonjour madame Huisknecht ! Quel plaisir de vous entendre ! (Menteur.) Non, rassurez-vous,  je ne m’inquiétais pas du tout : j’ai vu le temps par la fenêtre ! (Machinalement.) Oui… De la neige… On appelle ça comme ça chez nous… Chez vous aussi ? Oui suis-je bête ! (Un temps.) Non pas des faucons, des flo-cons ! (Embarrassé.) Excusez-moi de vous reprendre madame Huisknecht, je ne remets pas en cause  vos connaissances linguistiques ! (Un temps.) Vous parlez beaucoup mieux français que beaucoup de Wallons ? C’est possible… (Se rattrapant.) C’est certain ! (Un temps.) Vous avez essayé de me joindre à de nombreuses reprises, mais ça sonnait occupé ? (Embarrassé.) Oui… Euh… J’avais mal raccroché, c’est trop bête ! (Sur un ton plus alerte.) Dans une dizaine de minutes ? Je vous attends !

Il raccroche en se frottant les mains et se lève pour arpenter la pièce. Il tombe nez à nez avec Marie-Françoise raide comme la mort.

MARIE-FRANÇOISE (agitant sottement deux peluches sous le nez de M. Martin) - Bonjour beau-frère !

M. MARTIN (sursaute et fait les gestes désordonnés de quelqu’un happé par la surprise et la frayeur, tout en hurlant) - AAAHHHH !

Marie-Françoise ne s’attendant pas à cet accueil, lâche ses peluches d’effroi, en poussant un cri de souris.

M . MARTIN (reprenant ses esprits) - Marie-Françoise ! A quoi est-ce que tu joues ? Pourquoi te caches-tu dans les coins sombres pour me faire peur ? C’est belle maman qui  t’envoie pour se venger ?

En off, on entend des coups sourds qui viennent du plancher.

M. MARTIN - Quand on parle du loup !

MARIE-FRANÇOISE (ramassant les peluches tombées au sol) - Je suis désolée… Je ne voulais pas déranger !

M. MARTIN - C’est réussi ! Bon assieds-toi. (Un temps, voyant que Marie-Françoise ne parle pas.) Qu’est-ce que tu veux ? Je n’ai pas beaucoup de temps.

MARIE-FRANÇOISE (s’assoit sur le sofa à côté des peluches) - Ce ne sera pas long. Je suis venue te fourguer des peluches.

M. MARTIN - Excuse-moi, cela ne m’intéresse pas du tout : j’ai passé l’âge et mes enfants aussi !

MARIE-FRANÇOISE (suppliante) - C’est pour les petits enfants du Burkinafaso !

M. MARTIN - Et bien, c’est à eux qu’il faut les donner !

MARIE-FRANÇOISE - Le but c’est de les vendre, ces peluches !

M. MARTIN - Tu veux vendre des peluches aux Burkinabés ? Je sais que tu n’as ni le sens des réalités ni celle des affaires, mais je te signale que le niveau de vie au Burkinafaso est à ras des pâquerettes !

MARIE-FRANÇOISE - Mais non ! C’est pour qu’ils puissent manger !

M. MARTIN (ironique)  - Ils vont manger tes peluches ?

MARIE-FRANÇOISE - Tu es horrible ! (Enlaçant une peluche.) Ils ne vont pas manger mes nounours !

M. MARTIN (amusé) - Ah ? Parce qu’en plus, ils sont difficiles ! (Un temps, voyant la tête de Marie-Françoise.) Non, là je blague Marie-Françoise !

MARIE-FRANÇOISE - Allez ! Sois sympa ! 15 euros par peluche, ce n’est pas la mer à boire pour toi !

M. MARTIN (retournant à son bureau pour prendre le chéquier) - Bon, d’accord ! Je t’en prends une ! Tu me feras un reçu pour mes impôts.

MARIE-FRANÇOISE (gribouillant un reçu) - Prends en un aussi pour Lorraine. Je viens de la croiser, elle m’a dit qu’elle voulait participer.

M. MARTIN (faisant le chèque en levant les yeux au ciel) - Bon. Trente euros… (Tendant le chèque.) Voilà.

MARIE-FRANÇOISE - Merci pour eux Francis ! (Désignant les peluches sur le sofa.) Choisis.

M. MARTIN (observant rapidement) - Celui ci et celui là. (Marie- Françoise lui donne les peluches. M. Martin les renifle.) D’où elles sortent tes peluches ? Elles empestent !

MARIE-FRANÇOISE (tendant le reçu) - Ce sont des dons. C’est normal qu’il y ait une petite odeur : les gens récupèrent ça dans leur grenier… (Reprenant l’une des peluches et lui en proposant une autre.) Tiens ! Prends plutôt celle-ci.

M. MARTIN (Il va ranger les peluches dans un tiroir de la bibliothèque.) - Oui, bon ! Merci ! (Il sort côté jardin) Je vais me laver les mains, je n’ai pas envie de choper des miasmes !

MARIE-FRANÇOISE (se déplaçant pour parler à travers la porte) - Je vais y aller. Ne te dérange pas je connais le chemin.

M. MARTIN (en off) - J’arrive !

MARIE-FRANÇOISE (laisse tomber un canard qui fait pouêt et sort par la porte centrale.) - Non, non ! Je ne veux pas déranger ! Au revoir Francis !

M. MARTIN (revenant en scène et surpris de ne plus voir personne) - Elle est partie ? C’est vraiment un cas ma belle-sœur ! (Il marche sur le canard qui fait pouêt et sursaute.) AH ! C’est quoi ce truc encore ? (Il ramasse l’objet et le jette dans la corbeille à papier de rage.) Pénible ! (Il retourne se laver les mains.)

La sonnette retentit.

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