Je retrouve avec amusement mes
lectures d’enfant où, délaissant les fantaisies de Kirkegaard ou d’Heidegger,
j’édifiais mon cerveau de dix ans par le truchement de livres d’une portée
éducative beaucoup plus ambitieuse : « Trois hommes dans un bateau »,
« Le Sapeur Camenber », ou mes albums de Tintin…
TROIS HOMMES DANS UN BATEAU
(Jérôme K. Jérôme)
Nous dressâmes une première liste que nous dûmes écarter. Il
était clair que le cours supérieur de la Tamise ne permettrait pas la
navigation d’un bateau assez grand pour contenir le matériel que nous venions
de décréter indispensable. Nous déchirâmes donc la liste, et en entreprîmes une
autre !
C’est alors que George déclara : « À mon avis, nous sommes
en train de faire fausse route. Il ne faut pas s’inquiéter du nécessaire, mais
seulement de l’indispensable. »
Hé oui, George fait parfois preuve d’un bon sens étonnant !
Vous en seriez surpris. J’appelle ça de la sagesse. Et pas
seulement en ce qui concerne la remontée présente de la Tamise, mais, d’une
manière plus générale, pour tout ce qui touche à la descente du fleuve de la
vie…
Combien de gens, dans ce voyage, chargent leur bateau,
jusqu’à le mettre en danger de sombrer, de toute une cargaison de vanités
qu’ils tiennent pour indispensable à leur bien-être, et qui ne sont en fait
qu’encombrantes futilités !
Regardez-les remplir leur pauvre petit esquif de beaux
habits, de grandes maisons, d’une domesticité royale, d’une horde de « bons
amis » qui se soucient d’eux autant que de l’an quarante.
Et voilà ces maisons qui retentissent de divertissements
ruineux dont personne ne s’amuse, voilà le règne écrasant des protocoles, des
modes, des prétentions et autres étalages, mais par-dessus tout voilà la plus
encombrante et la plus absurde des futilités : la sacro-sainte peur du
qu’en-dira-t-on !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire