J’ai
habité une fois avec un type qui avait en la matière le don de me rendre
dingue. Vautré sur le canapé, il m’observait en train de travailler, des heures
durant. Aucun de mes pas à travers la chambre ne lui échappait. Il disait
éprouver du réconfort à me regarder m’activer. Cela lui faisait sentir que la
vie n’est pas un vain songe où l’on ne ferait que bâiller, mais une noble lutte
où s’enchaînent sans cesse devoirs et labeurs. Il ajouta qu’il se demandait
souvent comment il avait pu se passer de moi jusqu’à présent, n’ayant jamais eu
personne à contempler de la sorte.
Moi, je
suis d’une autre trempe. Il m’est physiquement impossible de rester tranquille
et de voir mes semblables turbiner comme des esclaves. J’ai envie de me lever
et de prendre la direction des opérations, de les suivre, les mains dans les
poches, en leur expliquant comment s’y prendre.
C’est mon caractère énergique.
Je n’y peux rien.
("Trois hommes dans un bateau" de Jérôme K Jérôme)
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