dimanche 31 janvier 2021

 

LA NUIT

(Cassagnes, Gard, 1993)

                Je ne dors pas. La nuit ne me berce plus comme lorsque j’étais enfant de sa houle rêveuse. Alors je la regarde de ma fenêtre. J’observe la nuit faire son lit au ciel constellé et, tandis que ma pendule me nargue de son tic-tac, je surprends mon reflet dérisoire dans la vitre. Et je pense à tous ceux qui dorment tranquilles, enfin surtout, je pense à toi, à toi qui n’es pas là...

         Là-bas, derrière la colline, l’orage qui menaçait depuis ce matin organise un son et lumière merveilleux : des bouffées de lumières surgissent bruyamment, des zébrures impressionnent le ciel par touches violentes, le tonnerre tire de terribles coups de semonce. Ici, il ne pleuvra pas, c’est pour là-bas, pour ceux qui dorment et qui se réveilleront bientôt en sursaut sous la colère du ciel, de l’autre côté de la colline, vers Alès.

         Moi je pleure en silence dans mes mains en écoutant l’orage ; des gouttes de sueur perlent le long de mon dos nu. Viendras-tu demain ? Il est déjà trois heures du matin et aucun signe avant coureur.

         Je ne dors pas. Je n’ai plus ce bon sommeil d’autrefois. Il m’a quitté. Tout me quitte, tous m’abandonnent. La solitude est l’unique compagne de mes jours, de mes nuits, de ma pauvre vie ou ce qu’il en reste...

         Je bois une bière au goulot près de la fenêtre qui a vue sur la nuit entêtante, la buée glacée rafraîchit agréablement ma main moite.

J’entends toujours le méchant bruit de la pendule et mon sinistre reflet s’obstine à agripper mon regard sur la vitre. Le temps est loin où je m’amusais de mon image dans la glace, où je faisais des mines, des grimaces... A présent ma face se déforme inconsciemment en un funeste rictus.

         Je suis fatigué. Les heures avec leurs bataillons de secondes rythmées par l’horloge, ont usé mes résistances. Cette chaleur malsaine aussi fait son œuvre...

         Je distingue une ombre qui grandit et s’approche, serait ce toi ? Tant d’errances, de souffrances et d’attentes enfin récompensées ! Te voilà ma bien-aimée, allons approche... Non ! Laisse-moi plutôt venir à toi d’un pas alerte !

         En faisant volte face, je me prends les pieds dans le tapis. La table de jeux est placée en plein sur ma trajectoire. Ma tête heurte le bord du meuble et prend un angle bizarre, il y a un craquement bref.

         Merci ma belle d’être enfin venue me chercher !

 

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